René Char, Feuillets dʼHypnos 39, 83, 86, 111, 129, 165, 203, 221, 237
39
Nous sommes écartelés entre l’avidité de connaître
et le désespoir d’avoir connu. L’aiguillon ne renonce pas
à sa cuisson et nous à notre espoir.
Wir sind zerrissen zwischen der Wißbegier
und der Verzweiflung darüber, zu wissen.
Der Stachel läßt nicht ab vom Stechen
und wir nicht von der Hoffnung.
83
Le poète, conservateur des infinis visages du vivant.
Der Dichter, Bewahrer der zahllosen Gesichter des Lebenden.
86
Les plus pures récoltes sont semées dans un sol qui n’existe pas.
Elles éliminent la gratitude et ne doivent qu’au printemps.
Die reinsten Ernten werden in einen Boden gesät, den es nicht gibt.
Sie machen die Dankbarkeit hinfällig und sind allein dem Frühling geschuldet.
111
La lumière a été chassée de nos yeux. Elle est enfouie
quelque part dans nos os. A notre tour nous la chassons
pour lui restituer sa couronne.
Das Licht ward aus unseren Augen verjagt. Es entfloh
da und dort in unser Gebein. Es ist an uns, es zu jagen
und ihm wieder seine Krone aufzusetzen.
129
Nous sommes pareils à ces crapauds qui dans l’austère
nuit des marais s’appellent et ne se voient pas, ployant
à leur cri d’amour toute la fatalité de l’univers.
Wir gleichen den Kröten, die in der strengen Nacht der Sümpfe
einander rufen, ohne sich zu sehen, und durch ihr Liebegeschrei
das Schicksal der Welt bezwingen.
165
Le fruit est aveugle. C’est l’arbre qui voit.
Die Frucht ist blind. Es ist der Baum, der sieht.
203
J’ai vécu aujourd’hui la minute du pouvoir et
de l’invulnérabilité absolus. J’étais une ruche
qui s’envolait aux sources de l’altitude
avec tout son miel et toutes ses abeilles.
Heute ward mir Anteil an einem Moment
der unendlichen Macht und Unverletzlichkeit.
Ich war ein Schwarm, der zu den Quellen
der Höhe flog mit all seinem Honig
und all seinen Bienen.
221
La carte du soir
Une fois de plus l’an nouveau mélange nos yeux.
De hautes herbes veillent qui n’ont d’amour
qu’avec le feu et la prison mordue.
Après seront les cendres du vainqueur
et le conte du mal;
seront les cendres de l’amour;
l’églantier au glas survivant;
seront tes cendres,
celles imaginaries de ta vie immobile
sur son cône d’ombre.
Die Abendkarte
Wieder einmal verwirrt das neue Jahr uns die Augen.
Hohe Gräser sind erwacht, die nur eine Liebe kennen,
das Feuer und ganz verzehrt zu werden.
Dann bleibt nur die Asche des Siegers
und das Märchen vom Bösen,
es bleibt nur die Asche der Liebe,
die wilde Rose, die das Totengeläut überlebt,
es bleibt deine Asche,
die Traumbilder deines Lebens,
das aus seinem dichten Schatten starrt.
237
Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la Beauté.
Toute place est pour la Beauté.
In unseren Finsternissen ist die Schönheit nicht an einem Platz.
Alle Plätze gehören der Schönheit.