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Charles Baudelaire, Le fou et la Vénus

20.11.2018

Aus: Le Spleen de Paris (Petits Poèmes en Prose)

Quelle admirable journée ! Le vaste parc se pâme sous l’œil brûlant du soleil, comme la jeunesse sous la domination de l’Amour.

L’extase universelle des choses ne s’exprime par aucun bruit ; les eaux elles-mêmes sont comme endormies. Bien différente des fêtes humaines, c’est ici une orgie silencieuse.

On dirait qu’une lumière toujours croissante fait de plus en plus étinceler les objets ; que les fleurs excitées brûlent du désir de rivaliser avec l’azur du ciel par l’énergie de leurs couleurs, et que la chaleur, rendant visibles les parfums, les fait monter vers l’astre comme des fumées.

Cependant, dans cette jouissance universelle, j’ai aperçu un être affligé.

Aux pieds d’une colossale Vénus, un de ces fous artificiels, un de ces bouffons volontaires chargés de faire rire les rois quand le Remords ou l’Ennui les obsède, affublé d’un costume éclatant et ridicule, coiffé de cornes et de sonnettes, tout ramassé contre le piédestal, lève des yeux pleins de larmes vers l’immortelle Déesse.

Et ses yeux disent : — « Je suis le dernier et le plus solitaire des humains, privé d’amour et d’amitié, et bien inférieur en cela au plus imparfait des animaux. Cependant je suis fait, moi aussi, pour comprendre et sentir l’immortelle Beauté ! Ah ! Déesse ! ayez pitié de ma tristesse et de mon délire ! »

Mais l’implacable Vénus regarde au loin je ne sais quoi avec ses yeux de marbre.

 

Der Narr und die Venus

Was für ein prächtiger Tag! Der weite Park schmilzt hin unter dem flammenden Auge der Sonne, wie die Jugend unter Amors Herrschgewalt.

Die alles ergreifende Verzückung hat geräuschlos sich enthüllt; die Wasser, selbst sie, sind eingeschlummert. Anders als die Feste der Menschen ist dies ein Bacchanal ohne Lärm.

Es war, als ob ein unablässig wachsendes Licht die Dinge mehr und mehr zum Funkeln brachte; als ob die erregten Blüten von Verlangen brannten, das Blau des Himmels mit der Kraft ihrer Farben zu übertreffen, und als ob die Hitze, indem sie die Düfte sichtbar machte, sie wie Rauch zur Sonne steigen ließ.

Und doch habe ich in all dem Freudentaumel eine traurige Gestalt erblickt.

Zu Füßen einer kolossalen Venus preßte sich einer dieser falschen Narren an den Denkmalsockel, einer dieser Possenreißer, die sich, ausstaffiert mit einem lächerlichen Glimmerkostüm, von Hörnchen und Glöckchen übersät, freiwillig dazu hergaben, von Zerknirschung und innerer Leere heimgesuchte Könige zum Lachen zu bringen, und hob tränenfeuchte Augen zu der unsterblichen Göttin empor.

Seine Augen sprachen: „Ich bin der letzte und einsamste unter den Menschen, der Liebe beraubt und der Freundschaft, und darum niedriger als die unvollkommenste der Kreaturen. Dennoch bin ich, auch ich, dazu erschaffen, die unsterbliche Schönheit zu erfassen und zu empfinden. Ach, Göttin, erbarme dich meiner Traurigkeit und Narrheit!“

Doch die gnadenlose Venus blickte ich weiß nicht worauf in die Ferne mit ihren Marmoraugen.

 

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