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Charles Baudelaire, La Muse venale

19.06.2020

Ô Muse de mon cœur, amante des palais,
Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées,
Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées,
Un tison pour chauffer tes deux pieds violets ?

Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées
Aux nocturnes rayons qui percent les volets ?
Sentant ta bourse à sec autant que ton palais,
Récolteras-tu l’or des voûtes azurées ?

Il te faut, pour gagner ton pain de chaque soir,
Comme un enfant de chœur, jouer de l’encensoir,
Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère,

Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas
Et ton rire trempé de pleurs qu’on ne voit pas,
Pour faire épanouir la rate du vulgaire.

 

Die Muse auf dem Markt

O Muse meines Herzens, du liebst feudale Pracht,
doch läßt der Jänner seinen Stürmen freie Hand
und dunkelt abends Trübsal auf verschneitem Land,
wo wird deinem vereisten Fuß ein Herd entfacht?

Behaucht dir deiner Schultern kalten Marmor hold
der Strahl der Nacht, der durch die Fensterläden schwebt?
Wenn der Beutel gähnt, die Zunge am Gaumen klebt,
mähst du von azurnen Feldern Sternengold?

Daß abends dir ein Brot ragt überm Tellerrand,
mußt du Weihrauch schwenken wie ein Ministrant,
Te Deum singen, bleibt dein Sinn ihm auch verschlossen,

mußt hungrig tänzelnd du entblößen deine Brust,
dein Lächeln, feucht von Tränen, keinem je bewußt,
damit des Pöbels gemeine Triebe üppig sprossen.

 

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