Charles Baudelaire, La belle Dorothée
Aus: Le Spleen de Paris (Petits Poèmes en Prose)
Le soleil accable la ville de sa lumière droite et terrible ; le sable est éblouissant et la mer miroite. Le monde stupéfié s’affaisse lâchement et fait la sieste, une sieste qui est une espèce de mort savoureuse où le dormeur, à demi éveillé, goûte les voluptés de son anéantissement.
Cependant Dorothée, forte et fière comme le soleil, s’avance dans la rue déserte, seule vivante à cette heure sous l’immense azur, et faisant sur la lumière une tache éclatante et noire.
Elle s’avance, balançant mollement son torse si mince sur ses hanches si larges. Sa robe de soie collante, d’un ton clair et rose, tranche vivement sur les ténèbres de sa peau et moule exactement sa taille longue, son dos creux et sa gorge pointue.
Son ombrelle rouge, tamisant la lumière, projette sur son visage sombre le fard sanglant de ses reflets.
Le poids de son énorme chevelure presque bleue tire en arrière sa tête délicate et lui donne un air triomphant et paresseux. De lourdes pendeloques gazouillent secrètement à ses mignonnes oreilles.
De temps en temps la brise de mer soulève par le coin sa jupe flottante et montre sa jambe luisante et superbe ; et son pied, pareil aux pieds des déesses de marbre que l’Europe enferme dans ses musées, imprime fidèlement sa forme sur le sable fin. Car Dorothée est si prodigieusement coquette, que le plaisir d’être admirée l’emporte chez elle sur l’orgueil de l’affranchie, et, bien qu’elle soit libre, elle marche sans souliers.
Elle s’avance ainsi, harmonieusement, heureuse de vivre et souriant d’un blanc sourire, comme si elle apercevait au loin dans l’espace un miroir reflétant sa démarche et sa beauté.
À l’heure où les chiens eux-mêmes gémissent de douleur sous le soleil qui les mord, quel puissant motif fait donc aller ainsi la paresseuse Dorothée, belle et froide comme le bronze ?
Pourquoi a-t-elle quitté sa petite case si coquettement arrangée, dont les fleurs et les nattes font à si peu de frais un parfait boudoir ; où elle prend tant de plaisir à se peigner, à fumer, à se faire éventer ou à se regarder dans le miroir de ses grands éventails de plumes, pendant que la mer, qui bat la plage à cent pas de là, fait à ses rêveries indécises un puissant et monotone accompagnement, et que la marmite de fer, où cuit un ragoût de crabes au riz et au safran, lui envoie, du fond de la cour, ses parfums excitants ?
Peut-être a-t-elle un rendez-vous avec quelque jeune officier qui, sur des plages lointaines, a entendu parler par ses camarades de la célèbre Dorothée. Infailliblement elle le priera, la simple créature, de lui décrire le bal de l’Opéra, et lui demandera si on peut y aller pieds nus, comme aux danses du dimanche, où les vieilles Cafrines elles-mêmes deviennent ivres et furieuses de joie ; et puis encore si les belles dames de Paris sont toutes plus belles qu’elle.
Dorothée est admirée et choyée de tous, et elle serait parfaitement heureuse si elle n’était obligée d’entasser piastre sur piastre pour racheter sa petite sœur qui a bien onze ans, et qui est déjà mûre, et si belle ! Elle réussira sans doute, la bonne Dorothée ; le maître de l’enfant est si avare, trop avare pour comprendre une autre beauté que celle des écus !
Die schöne Dorothea
Die Sonne lastet auf der Stadt mit ihrem senkrechten Schreckensstrahl. Der Sand blendet und das Meer glitzert. Die betäubte Welt sackt haltlos in die Knie und hält Siesta, eine Siesta, die eine Art süßer Tod ist, da der Schläfer, halb wach, die Wonnen der Vernichtung kostet.
Doch Dorothea, stark und stolz wie die Sonne, zieht die verwaiste Straße entlang, allein lebendig zu dieser Stunde unter dem ungeheuren Blau des Himmels, und bildet gegen das Licht einen in die Augen springenden dunklen Fleck.
Vorwärtsschreitend wiegt sie weich den schmalen Rumpf auf ihren breiten Hüften. Ihr straffes Seidenkleid von hellem Rosa sticht lebhaft ab vom Dunkel ihrer Haut und schmiegt sich eng an ihren hohen Leib, die Mulde des Rückens und den gereckten Hals.
Ihr roter Sonnenschirm, die Strahlen dämpfend, tupft die blutfarbene Schminke seines Widerscheins auf ihr dunkles Gesicht.
Die Last ihres üppigen, fast blauen Haars zieht ihr zierliches Haupt nach hinten und verleiht ihr einen triumphierenden und trägen Ausdruck. Schwere Gehänge klimpern heimlich an ihren reizenden Ohren.
Von Zeit zu Zeit lüpft die Meeresbrise seitlich ihren flatternden Rock und entblößt das Schimmern eines prachtvollen Beins. Ihr Fuß, ein Fuß wie jener Marmorgöttinnen einer, die Europa in seine Museen sperrt, drückt seinen Umriß treulich in den feinen Sand. Denn Dorothea ist so über die Maßen kokett, daß die Lust, bewundert zu werden, den Stolz der freigelassenen Sklavin mit sich reißt, und ist sie auch frei, geht sie doch barfuß.
So gleitet strömend sie dahin, glücklich zu leben und ein helles Lachen lachend, als schaute sie in der Ferne in einen Spiegel, der ihren Gang und ihrer Schönheit Bildnis wiedergibt.
Was treibt zur Stunde, da selbst die Hunde unterm Biß der Sonne stöhnen, die träge Dorothea wohl hinaus, wie Bronze schön und kühl?
Weshalb verließ sie ihre kleine Hütte, so hübsch ausgestattet, mit Blumen und Matten zu geringen Kosten ein perfektes Boudoir; wo es ihr behagt, sich zu kämmen, zu rauchen, sich Luft zufächeln zu lassen oder sich im Spiegel ihrer großen Federfächer zu betrachten, während das Meer, hundert Schritte nur entfernt auf das Ufer klatschend, ihre vagen Träumereien mit einem monotonen Lied begleitet und vom Hinterhof der eiserne Kessel, in dem ein Krabbenragout auf Reis und Safran schmort, ihr verführerische Düfte zuträgt?
Vielleicht hat sie ein Stelldichein mit einem jungen Offizier, der an fernen Ufern seine Kameraden von der berühmten Dorothea hat raunen hören. Den wird sie ganz gewiß, das einfältige Geschöpf, darum bitten, ihr den Opernball zu schildern, und ihn fragen, ob man dorthin barfuß gehen kann, wie zu den Tänzen am Sonntag, bei denen die alten Kaffernfrauen sich betrinken und vor Freude toben; und schließlich, ob die schönen Damen von Paris wohl alle schöner sind als sie selbst.
Dorothea wird von allen bewundert und gehätschelt, und sie wäre völlig glücklich, wäre sie nicht genötigt, Piaster für Piaster für den Freikauf ihrer kleinen Schwester zurückzulegen, die erst elf ist und schon reif und so schön! Sie wird es zweifellos schaffen, die schöne Dorothea; der Besitzer der Kleinen ist sehr geizig, zu geizig, um eine andere Schönheit zu begreifen als die von Gold- und Silbermünzen.
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