Théophile Gautier, Sur le Carnaval de Venise
Il est un vieil air populaire
Par tous les violons raclé,
Aux abois des chiens en colère
Par tous les orgues nasillé.
Les tabatières à musique
L’ont sur leur répertoire inscrit ;
Pour les serins il est classique,
Et ma grand’mère, enfant, l’apprit.
Sur cet air, pistons, clarinettes,
Dans les bals aux poudreux berceaux,
Font sauter commis et grisettes,
Et de leurs nids fuir les oiseaux.
La guinguette, sous sa tonnelle
De houblon et de chèvrefeuille,
Fête, en braillant la ritournelle,
Le gai dimanche et l’argenteuil.
L’aveugle au basson qui pleurniche
L’écorche en se trompant de doigts ;
La sébile aux dents, son caniche
Près de lui le grogne à mi-voix.
Et les petites guitaristes,
Maigres sous leurs minces tartans,
Le glapissent de leurs voix tristes
Aux tables des cafés chantants.
Paganini, le fantastique,
Un soir, comme avec un crochet,
A ramassé le thème antique
Du bout de son divin archet,
Et, brodant la gaze fanée
Que l’oripeau rougit encor,
Fait sur la phrase dédaignée
Courir ses arabesques d’or.
Karneval in Venedig
Ein altes Lied, sehr populär,
das alle Geigen stöhnen,
die Hunde jaulen drüber her,
daʼs auch die Orgeln dröhnen.
Tabakdosen mit Musike
haben es im Repertoire,
selbst der Zeisig findetʼs schnieke,
Oma, als noch Kind sie war.
Töntʼs mit Kornett und Klarinetten
bei Bällen unter Laubes Stauben,
zucken Burschen und Grisetten,
erschrocken flattern auf die Tauben.
Die Schenke mit gewölbtem Dach
aus Heu und Stroh der Katen,
die Fete grölt, ein Höllenkrach,
der Sonntag glänzt, der Braten.
Fagott des Blinden, sein Gedudel
verhunzt es, denn er hält nicht Schritt,
die Bettlerin preßt ihren Pudel
und brummt es leise mit.
Arme Sänger mit Gitarren,
mager unter dünnem Kleid,
hört so elend man es schnarren
in Kneipen schnöder Lustbarkeit.
Paganini, genial-verrückt,
hat eines Nachts mit einer Spitze
das alte Thema aufgepickt,
mit seines Götterbogens Blitze,
bestickte neu den fahlen Schleier,
ein Flitter war an ihm noch rot,
und über jener alten Leier
hat Arabesken-Gold geloht.
Comments are closed.